L’association Oxfam France vient de publier, ce lundi 22 juin, la deuxième édition de son rapport sur le (non) partage des richesses au sein des entreprises du CAC 40. Le constat est édifiant : entre 2009 et et 2018, soit juste après le krach boursier de 2008 et avant la crise liée au Covid-19, les versements aux actionnaires ont bondi de 70% et la rémunération  des PDG de 60%. Ce vieux monde, égoïste et néfaste pour la planète, doit faire place à un modèle écologique, durable, centré sur l’Homme et non la finance. 

Dividendes : +70% entre 2009  et 2018

Le montant des dividendes versés aux actionnaires entre 2009 et 2018 a augmenté de 70%. Dans la même période, le salaire moyen au sein de ces entreprises n’a augmenté que de 20%. Quant au SMIC, toujours dans la même période, il n’a augmenté que de 12%.

473 milliards

C’est le chiffre astronomique de dividendes versés par les entreprises du CAC entre 2009 et 2018, soit juste après la crise financière de 2008 et un peu avant la crise du Covid…

Le palmarès de ces grands prédateurs : Total (60 milliards) ; SANOFI (48 milliards) ; ENGIE (32 milliards) ; Orange (25 milliards) ; LVMH (23 milliards) ; Axa (20 milliards) ; Vivendi (18 milliards)

A noter que ENGIE, dont l’Etat détient 23,64% du capital et 33,84% des droits de votes, a versé six fois plus de dividendes qu’elle n’a réalisé de bénéfices depuis dix ans. L’entreprise s’est même endettée pour cela !!  Un quart des entreprises du CAC sont dans ce cas, c’est-dire à avoir versé plus de dividendes que l’ensemble de leurs bénéfices générés entre 2009 et 2018. Vous avez dit voracité ?

+71%

C’est le taux de redistribution des profits sous forme de dividendes et de rachat d’action par les entreprises du CAC 40 durant cette période. Soit très loin de la règle vertueuse, appliquée notamment en Allemagne des trois tiers : 1/3 pour les investissments, 1/3 pour les salaires et 1/3 pour les dividendes & rachats d’actions

Grandes familles et petits épargnants

A qui tout cela profite-t-il ? Aux petits épargnants qui confortent leur retraite avec des actions du CAC 40, selon le joli conte pour enfants racontés par plein de journalistes (il y a quand même un fond de vérité…) ? Non bien sûr ! Cela profite essentiellement aux grandes familles du capitalisme français et aux fonds anglo-saxons. A la veille de la crise du Covid, quatre familles se partageaient plus de 10% du CAC 40 : Arnault ; Bettencourt ; Pinault et Hermès. A leurs côtés, des gros fonds de pension tels que le bien connu BlackRock (2,3%) ; Vanguard (2,3%) ou Amundi (1,4%)

Même pendant la crise…

21 entreprises du CAC 40 ont versé des dividendes à leurs actionnaires pendant la crise : Total, Sanofi, Lafarge, Schneider. Vivendi a même augmenté son dividende.

Inégalités salariales : x 107

En 2018, les patrons des entreprises du CAC 40 ont gagné en moyenne 107 fois plus que le salaire moyen de leurs employés, soit une hausse de 30% du ration depuis 2009. Ainsi, un dirigeant du CAC 40 avait gagné l’équivalent du SMIC annuel le 2 janvier !

Ecarts de salaires délirants 

Aujourd’hui, le ratio entre salaire minimum et rémunération du dirigeant du CAC 40 peut aller jusqu’à plus de 400 ! Pour mémoire, ce ratio, en 1965, était de l’ordre de 20. 

Carrefour : x 413 ; L’Oréal : x 194 ; SANOFI : x 116.

Attention, la rémunération d’un dirigeant du CAC 40 n’est composé que de 12% de fixe, le reste est attribué via un bonus (environ 20%) et des produits financiers, directement liés à la performance de l’entreprise.

Avec 7,3 millions d’euros de rémunération totale en 2018, le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, gagnait 413 fois le salaire moyen au sein de son entreprise. 

Palmarès des dirigeants les mieux payés : SANOFI : 8,8 M€ ; L’Oréal : 8,3 M€ ; LVMH : 7,9 M€

Les efforts en carton des grands patrons

Bernard Arnault, patron de LVMH, 3e fortune mondiale, a accepté de renoncer à sa rémunération fixe d’avril et mai  2020, ainsi qu’à toute rémunération au titre de l’année 2020. Quand on a perçu 1,5 milliard d’euros de dividendes en 2018, sans parler du montant de sa fortune, le sacrifice n’est pas trop grand. Alex Bompard annonce une baisse de 25% de sa « rémunération fixe » de mars en avril, soit une baisse de 62 500 €. Quel effort ! Cela représente 0,2% de ce qu’il gagne en un an tout compris !

Ecarts de salaires : un peu d’histoire 

Dans les années 1890, John Piermont Morgan (LE JP Morgan de la banque) expliquait qu’il n’était pas favorable à prêter de l’argent à des entreprises dans lesquelles l’employé le mieux payé (en général le patron !) gagnait plus de vingt fois ce que gagnait l’employé le moins bien payé car il craignait que cela ne rende la situation « instable ».

Dans les années 1950, le PDG américain moyen gagnait environ 20 fois ce que gagnait l’employé moyen de sa société. Dans une tribune publiée en 1977 dans le Wall Street Journal, Peter Drucker, à l’origine de nombreuses théories de management d’entreprises, indiquait que pour une grande entreprise, le ratio entre la rémunération la plus élevée (salaire+bonus+produits financiers) et celle la plus faible ne devait pas dépasser 25. « La limite à ne pas dépasser sous peine de créer la rancoeur et de faire baisser le moral des entreprises ».

En 2018, la rémunération des PDG des 350 plus grandes entreprises américaines représentait en moyenne… 278 fois la rémunération de l’employé moyen. Ce ratio était inférieur à 100 dans les années 1990.

OK, on est plus en 1890, ni en 1977, mais la bonne question n’est-elle pas : et alors, c’est mieux maintenant avec des écarts de salaires aussi monstrueux ?