Hommage à Julien Lauprêtre ce jeudi 2 mai

Salon de l’Hôtel de Ville de Paris – Jeudi 2 mai 2019

Madame la Maire, Madame la Présidente du Conseil Régional, Mesdames et Messieurs les parlementaires, les élus de Paris, les bénévoles du Secours Populaire Français et les amis du Secours et de Julien qui font vivre la solidarité sur le terrain, Madame, Monsieur.

Au terme d’une vie si bien remplie, les images se bousculent pour évoquer la vie d’engagement de notre ami Julien Lauprêtre. 

Résistant à 16 ans, militant communiste, élu à la ville de Paris et Président du Secours populaire français, il a mis sa vie entière au service des autres, au service du bonheur des autres.

Chaleureux, fondamentalement humaniste, il a porté très haut les valeurs de solidarité et de fraternité. Mais surtout, il transmettait autour de lui l’envie d’être heureux. Sans doute parce qu’avant d’être un militant du bonheur, il fut d’abord un combattant de la liberté

A 16 ans, il mène contre l’occupant nazi une lutte contre l’injustice qui sera le fil conducteur de sa vie. Dans le sillage d’un père cheminot lui aussi communiste et Conseiller de Paris, engagé de la première heure contre les ligues fascistes, Julien monte avec deux copains un petit groupe de Résistance qui intégrera plus tard le réseau clandestin des Jeunesses communistes pour en devenir un des responsables parisiens. 

Arrêté en 1943, emprisonné pendant 5 mois pour propagande anti hitlérienne, il côtoie pendant 8 jours des membres du réseau FTP-MOI dont leur responsable, Missak Manouchian.

Le célèbre résistant arménien lui dira : « Toi tu vas t’en sortir. Alors, promets-moi d’être utile aux autres et de continuer le combat tant que règne l’injustice sur Terre ».

Cette rencontre le marquera à vie.

De ces terribles années, il gardera toujours une conviction intangible, joliment définie par Antoine de Saint-Exupéry : « Une démocratie doit être une fraternité, sinon c’est une imposture ».

Durant plusieurs décennies, au sein du PCF comme à la tête du Secours populaire français, Julien va ainsi partager sa foi en la nature humaine, avec un enthousiasme, une énergie et originalité hors du commun.

Comme beaucoup de Résistants, il a vécu le pire et côtoyé le meilleur de l’être humain pendant cette guerre. Comme beaucoup de Résistants, il a contribué à la mise en oeuvre du Conseil National de Résistance et au redressement de la France, avec un gouvernement dirigé par le Général de Gaulle auquel participèrent les dirigeants communistes Maurice Thorez et Ambroise Croizat.

A partir de l’hiver 1954, il s’investit dans le Secours populaire en pensant s’engager pour une courte période… Elle sera en réalité l’oeuvre d’une vie, totalement dédiée à l’émancipation humaine, et d’abord à celle des enfants. 

Avant la Résistance, il y a eu le Front populaire, les premières vacances à l’été 1936. Pour Julien, c’est la découverte de la mer, à l’île de Ré, grâce au Secours Ouvrier International, où il rencontre Jeannette, qu’il épousera dix ans plus tard. Cette organisation, ancêtre du Secours Populaire, dont la fonction est d’organiser la solidarité internationale en direction des militants anti fascistes, le met en contact avec des enfants espagnols, italiens ou allemands, dont les parents ont été chassés de chez eux par les dictatures de leur pays. 

L’empreinte est si forte qu’elle nourrit une obligation : celle de faire vivre le droit aux vacances pour tous. La tâche est immense, dans un pays où tant de « gosses » comme les appelait affectueusement Julien, n’ont jamais vu la mer.  

Pour eux, la « Journée des oubliés des vacances », créée en 1979 lors de l’année internationale de l’enfant, c’est bien plus qu’un sourire qui s’allume, qu’un coup de vent sur des joues rosies, c’est surtout quelque chose à raconter en classe à la rentrée, des souvenirs à partager avec les autres enfants. C’est la dignité retrouvée, une dimension essentielle aux yeux de Julien, dans le droit fil de son engagement politique. 

Nous nous retrouvions d’ailleurs pleinement dans cette action, puisque nous aussi, à la même période, nous organisons une journée de solidarité à la mer ! Pour les militants et les bénévoles, qui parfois sont engagés dans nos deux organisations, c’est du vrai bonheur mais c’est aussi un vrai casse-tête quand la journée a lieu le même jour et qu’il faut choisir celle dans laquelle ils vont s’investir ! 

C’est dans cet esprit aussi qu’a émergé, en 1998, sous l’impulsion de Michelle Demessine, Ministre du Tourisme, la Bourse Solidarité Vacances, en partenariat avec des opérateurs privés et des associations comme le SPF, c’est à la même époque que nous arriverons à faire insérer le droit aux vacances dans la loi sur la lutte contre les exclusions, avec le soutien de Martine Aubry, alors Ministre.

Julien et Michelle, avec qui je travaillais à l’époque, étaient complices et tenaient vraiment à ce que cela ne soit pas « des vacances pour pauvres » mais surtout le moyen pour chacune et chacun de retrouver sa dignité d’être humain, en construisant soi-même un projet vacances et en partant en vacances avec d’autres, comme tout le monde, sans différence.

Comme tous les Résistants, Julien avait à coeur de donner du sens et du contenu aux actions du SPF. Il avait toujours à l’horizon l’envie, le désir de changer le monde et de rendre possible cette perspective.

C’est pourquoi le mouvement d’enfants Copain du monde, qu’il a mis tant d’acharnement à construire, avait autant d’importance pour lui. Réunir des milliers d’enfants du monde entier, dans des dizaines de villages, en France et en Europe, lui semblait sans nul doute être le meilleur rempart pour l’amitié entre les peuples, contre la haine et le rejet des autres. 

Une visite dans l’un de ces villages de vacances l’avait particulièrement marqué. Parmi les gamins, entre ceux venant de France et ceux d’autres pays invités par des associations partenaires, Julien avait rencontré un jeune Syrien âgé d’une dizaine d’années. Au fil de la conversation, l’enfant raconte que son père a été tué sous ses yeux, sa mère, violée et tuée également, tandis que lui conservait une balle dans son épaule.

Pour ce jeune Syrien, ce temps de rencontres avec d’autres enfants était un moment de bonheur.

Pour Julien, ce que vivait ce gamin n’était pas des vacances, c’était beaucoup plus que ça. C’était la reconstruction d’une vie abimée, c’était la Paix, l’amitié, la fraternité.

Bouleversé par cette histoire, Julien a proposé à son retour que l’on n’associe plus le mot « vacances » à ces villages, au croisement de tous les destins pour retenir cette belle expression de « Copain du monde ».

Ces dernières années, il revenait souvent émerveillé de ces moments partagés avec de jeunes Israéliens et Palestiniens, heureux d’être ensemble, libérés pour un temps des fracas de la guerre.

« Tout ce qui est humain est nôtre » : avec Julien à sa tête, durant 64 ans, la devise du Secours populaire français a pris tout son sens. « Nous avons commencé avec une charrette à bras et nous étions rue des Jeuneurs, ça ne s’invente pas », aimait-il rappeler. Avant d’ajouter: « Les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui sont des problèmes de croissance. » Et de fait, le Secours populaire doit grandir encore et toujours face à une misère qui explose, dans notre pays comme ailleurs dans le monde. 

En mars 2007, avec Pierre Laurent, Julien vient témoigner devant le conseil national du parti communiste, sur la pauvreté grandissante en France.  C’est l’occasion pour lui de réaffirmer la démarche d’ouverture du Secours populaire français, centrée sur la solidarité et la dignité.

L’ancien « Secours rouge », initié par le parti communiste, s’est largement transformé sous l’impulsion de Julien, qui était tout sauf dogmatique. « Il prenait tout le monde, sans distinction, quelles que soient les convictions, il était comme un second Abbé Pierre qui trouvait une part d’humanité en chacun », dit une de ses proches.

Aujourd’hui, 14,2% de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté en France. 9 millions de personnes, d’hommes, de femmes et d’enfants. En dix ans, depuis 2008, ils sont 800 000 de plus, dont des retraités, des étudiants, des salariés, des travailleurs pauvres, deux mots qui ne devraient jamais être associés.

C’est cela qui inquiétait Julien et inquiète toujours celles et ceux qui se battent contre la pauvreté. Un fléau qui grandit en même temps que des richesses énormes s’accumulent dans les mains d’une minorité.

C’est pourquoi le Secours populaire fait plus que de la solidarité, même si celle-ci est immense avec ses 80 000 bénévoles, un million d’adhérents et des dizaines de millions de personnes aidées dans le monde. L’association continue d’interpeller sans relâche les pouvoirs publics et la société toute entière sur la pauvreté. 

Membre de notre Conseil National de 1966 à 2000, Julien militait activement pour une solidarité sans frontières, à rebours des courants nationalistes qui menacent l’Europe aujourd’hui. 

Quand nous évoquions cette montée de l’extrême droite, ces idées de haine, de rejet de l’autre, nous pointions ensemble la responsabilité d’une société entièrement financiarisée et soumise au culte de l’argent. Et voilà pourquoi Julien aimait répondre qu’il fallait mondialiser la solidarité plutôt que l’économie. Et sur cette idée, nous devrions tous nous rassembler, bien au delà de nos convictions politiques personnelles.

Il a ainsi tout mis en oeuvre pour faire du SPF un puissant outil au service de la solidarité. Par son indépendance et par l’esprit d’ouverture qu’il a imprimé, le Secours Populaire a reçu le soutien de milliers de personnalités issues du monde culturel, politique, scientifique, sportif. Ils et elles sont devenus les parrains et les marraines des campagnes vacances à l’image, pour cette année 2019 de Stéphane BERN et du nombre de personnalités présentes ici pour lui rendre hommage.

C’est aussi avec la même volonté d’efficacité qu’il a noué des relations étroites avec d’autres associations que cela soit le Secours catholique, les Banques Alimentaires, les Restos du Coeur ou la Croix Rouge. Comme il était ces dernières années « le plus ancien dans le grade », comme on dit, il avait l’avantage de connaître tout le monde. Il était très respecté.

Un respect acquis aussi après avoir mené des batailles comme celle livrée auprès de l’Union européenne que nous ouvrons avec nos députés pour récupérer les surproductions des coopératives agricoles afin de les distribuer aux plus démunis. Julien s’engouffre dans la brèche et en 1984, le secours populaire obtient, avec Coluche, la mise à disposition des surplus congelés dans des silos. Un mouvement très important est lancé puisque dans la foulée, est créé le Programme européen d’aide aux plus démunis. Ce même programme dont le maintien vient de faire l’objet d’une bataille cruciale au parlement européen, à laquelle Julien et le Secours populaire français ont pris toute leur part, aux côtés des députés européens, Patrick Le Hyaric en tête.

Julien, toujours fidèle à ses engagements de jeunesse, était un ardent défenseur de son journal, l’Humanité, que son père vendait déjà, et il ne ratait jamais une Fête de l’Humanité. Pas seulement au nom des nombreux partenariats initiés avec le journal. Mais tout simplement parce que c’était l’occasion pour lui de multiplier des échanges francs et directs sur l’actualité.

Dans ces moments-là, Julien faisait rouler toute sa gouaille de titi parisien, l’oeil malicieux et la générosité en bandoulière. Lui qui était immergé dans plusieurs univers, côtoyant avec autant d’aisance les artistes que les ministres, ne faisait pas de différence parmi ses interlocuteurs. 

A tous, il lançait invariablement son fameux « salut mon pote », la main sur l’épaule. Ce salut, nous te l’adressons aujourd’hui avec respect et fraternité.

A ses enfants  Jean Claude, Josette, Françoise, Denise, à ses petits-enfants, j’adresse mes condoléances les plus sincères.


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Madame la Maire, Madame la Présidente du Conseil Régional, Mesdames et Messieurs les parlementaires, les élus de Paris, les bénévoles du Secours Populaire Français et les amis du Secours et de Julien qui font vivre la solidarité sur le terrain, Madame, Monsieur.

Au terme d’une vie si bien remplie, les images se bousculent pour évoquer la vie d’engagement de notre ami Julien Lauprêtre. 

Résistant à 16 ans, militant communiste, élu à la ville de Paris et Président du Secours populaire français, il a mis sa vie entière au service des autres, au service du bonheur des autres.

Chaleureux, fondamentalement humaniste, il a porté très haut les valeurs de solidarité et de fraternité. Mais surtout, il transmettait autour de lui l’envie d’être heureux. Sans doute parce qu’avant d’être un militant du bonheur, il fut d’abord un combattant de la liberté

A 16 ans, il mène contre l’occupant nazi une lutte contre l’injustice qui sera le fil conducteur de sa vie. Dans le sillage d’un père cheminot lui aussi communiste et Conseiller de Paris, engagé de la première heure contre les ligues fascistes, Julien monte avec deux copains un petit groupe de Résistance qui intégrera plus tard le réseau clandestin des Jeunesses communistes pour en devenir un des responsables parisiens. 

Arrêté en 1943, emprisonné pendant 5 mois pour propagande anti hitlérienne, il côtoie pendant 8 jours des membres du réseau FTP-MOI dont leur responsable, Missak Manouchian.

Le célèbre résistant arménien lui dira : « Toi tu vas t’en sortir. Alors, promets-moi d’être utile aux autres et de continuer le combat tant que règne l’injustice sur Terre ».

Cette rencontre le marquera à vie.

De ces terribles années, il gardera toujours une conviction intangible, joliment définie par Antoine de Saint-Exupéry : « Une démocratie doit être une fraternité, sinon c’est une imposture ».

Durant plusieurs décennies, au sein du PCF comme à la tête du Secours populaire français, Julien va ainsi partager sa foi en la nature humaine, avec un enthousiasme, une énergie et originalité hors du commun.

Comme beaucoup de Résistants, il a vécu le pire et côtoyé le meilleur de l’être humain pendant cette guerre. Comme beaucoup de Résistants, il a contribué à la mise en oeuvre du Conseil National de Résistance et au redressement de la France, avec un gouvernement dirigé par le Général de Gaulle auquel participèrent les dirigeants communistes Maurice Thorez et Ambroise Croizat.

A partir de l’hiver 1954, il s’investit dans le Secours populaire en pensant s’engager pour une courte période… Elle sera en réalité l’oeuvre d’une vie, totalement dédiée à l’émancipation humaine, et d’abord à celle des enfants. 

Avant la Résistance, il y a eu le Front populaire, les premières vacances à l’été 1936. Pour Julien, c’est la découverte de la mer, à l’île de Ré, grâce au Secours Ouvrier International, où il rencontre Jeannette, qu’il épousera dix ans plus tard. Cette organisation, ancêtre du Secours Populaire, dont la fonction est d’organiser la solidarité internationale en direction des militants anti fascistes, le met en contact avec des enfants espagnols, italiens ou allemands, dont les parents ont été chassés de chez eux par les dictatures de leur pays. 

L’empreinte est si forte qu’elle nourrit une obligation : celle de faire vivre le droit aux vacances pour tous. La tâche est immense, dans un pays où tant de « gosses » comme les appelait affectueusement Julien, n’ont jamais vu la mer.  

Pour eux, la « Journée des oubliés des vacances », créée en 1979 lors de l’année internationale de l’enfant, c’est bien plus qu’un sourire qui s’allume, qu’un coup de vent sur des joues rosies, c’est surtout quelque chose à raconter en classe à la rentrée, des souvenirs à partager avec les autres enfants. C’est la dignité retrouvée, une dimension essentielle aux yeux de Julien, dans le droit fil de son engagement politique. 

Nous nous retrouvions d’ailleurs pleinement dans cette action, puisque nous aussi, à la même période, nous organisons une journée de solidarité à la mer ! Pour les militants et les bénévoles, qui parfois sont engagés dans nos deux organisations, c’est du vrai bonheur mais c’est aussi un vrai casse-tête quand la journée a lieu le même jour et qu’il faut choisir celle dans laquelle ils vont s’investir ! 

C’est dans cet esprit aussi qu’a émergé, en 1998, sous l’impulsion de Michelle Demessine, Ministre du Tourisme, la Bourse Solidarité Vacances, en partenariat avec des opérateurs privés et des associations comme le SPF, c’est à la même époque que nous arriverons à faire insérer le droit aux vacances dans la loi sur la lutte contre les exclusions, avec le soutien de Martine Aubry, alors Ministre.

Julien et Michelle, avec qui je travaillais à l’époque, étaient complices et tenaient vraiment à ce que cela ne soit pas « des vacances pour pauvres » mais surtout le moyen pour chacune et chacun de retrouver sa dignité d’être humain, en construisant soi-même un projet vacances et en partant en vacances avec d’autres, comme tout le monde, sans différence.

Comme tous les Résistants, Julien avait à coeur de donner du sens et du contenu aux actions du SPF. Il avait toujours à l’horizon l’envie, le désir de changer le monde et de rendre possible cette perspective.

C’est pourquoi le mouvement d’enfants Copain du monde, qu’il a mis tant d’acharnement à construire, avait autant d’importance pour lui. Réunir des milliers d’enfants du monde entier, dans des dizaines de villages, en France et en Europe, lui semblait sans nul doute être le meilleur rempart pour l’amitié entre les peuples, contre la haine et le rejet des autres. 

Une visite dans l’un de ces villages de vacances l’avait particulièrement marqué. Parmi les gamins, entre ceux venant de France et ceux d’autres pays invités par des associations partenaires, Julien avait rencontré un jeune Syrien âgé d’une dizaine d’années. Au fil de la conversation, l’enfant raconte que son père a été tué sous ses yeux, sa mère, violée et tuée également, tandis que lui conservait une balle dans son épaule.

Pour ce jeune Syrien, ce temps de rencontres avec d’autres enfants était un moment de bonheur.

Pour Julien, ce que vivait ce gamin n’était pas des vacances, c’était beaucoup plus que ça. C’était la reconstruction d’une vie abimée, c’était la Paix, l’amitié, la fraternité.

Bouleversé par cette histoire, Julien a proposé à son retour que l’on n’associe plus le mot « vacances » à ces villages, au croisement de tous les destins pour retenir cette belle expression de « Copain du monde ».

Ces dernières années, il revenait souvent émerveillé de ces moments partagés avec de jeunes Israéliens et Palestiniens, heureux d’être ensemble, libérés pour un temps des fracas de la guerre.

« Tout ce qui est humain est nôtre » : avec Julien à sa tête, durant 64 ans, la devise du Secours populaire français a pris tout son sens. « Nous avons commencé avec une charrette à bras et nous étions rue des Jeuneurs, ça ne s’invente pas », aimait-il rappeler. Avant d’ajouter: « Les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui sont des problèmes de croissance. » Et de fait, le Secours populaire doit grandir encore et toujours face à une misère qui explose, dans notre pays comme ailleurs dans le monde. 

En mars 2007, avec Pierre Laurent, Julien vient témoigner devant le conseil national du parti communiste, sur la pauvreté grandissante en France.  C’est l’occasion pour lui de réaffirmer la démarche d’ouverture du Secours populaire français, centrée sur la solidarité et la dignité.

L’ancien « Secours rouge », initié par le parti communiste, s’est largement transformé sous l’impulsion de Julien, qui était tout sauf dogmatique. « Il prenait tout le monde, sans distinction, quelles que soient les convictions, il était comme un second Abbé Pierre qui trouvait une part d’humanité en chacun », dit une de ses proches.

Aujourd’hui, 14,2% de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté en France. 9 millions de personnes, d’hommes, de femmes et d’enfants. En dix ans, depuis 2008, ils sont 800 000 de plus, dont des retraités, des étudiants, des salariés, des travailleurs pauvres, deux mots qui ne devraient jamais être associés.

C’est cela qui inquiétait Julien et inquiète toujours celles et ceux qui se battent contre la pauvreté. Un fléau qui grandit en même temps que des richesses énormes s’accumulent dans les mains d’une minorité.

C’est pourquoi le Secours populaire fait plus que de la solidarité, même si celle-ci est immense avec ses 80 000 bénévoles, un million d’adhérents et des dizaines de millions de personnes aidées dans le monde. L’association continue d’interpeller sans relâche les pouvoirs publics et la société toute entière sur la pauvreté. 

Membre de notre Conseil National de 1966 à 2000, Julien militait activement pour une solidarité sans frontières, à rebours des courants nationalistes qui menacent l’Europe aujourd’hui. 

Quand nous évoquions cette montée de l’extrême droite, ces idées de haine, de rejet de l’autre, nous pointions ensemble la responsabilité d’une société entièrement financiarisée et soumise au culte de l’argent. Et voilà pourquoi Julien aimait répondre qu’il fallait mondialiser la solidarité plutôt que l’économie. Et sur cette idée, nous devrions tous nous rassembler, bien au delà de nos convictions politiques personnelles.

Il a ainsi tout mis en oeuvre pour faire du SPF un puissant outil au service de la solidarité. Par son indépendance et par l’esprit d’ouverture qu’il a imprimé, le Secours Populaire a reçu le soutien de milliers de personnalités issues du monde culturel, politique, scientifique, sportif. Ils et elles sont devenus les parrains et les marraines des campagnes vacances à l’image, pour cette année 2019 de Stéphane BERN et du nombre de personnalités présentes ici pour lui rendre hommage.

C’est aussi avec la même volonté d’efficacité qu’il a noué des relations étroites avec d’autres associations que cela soit le Secours catholique, les Banques Alimentaires, les Restos du Coeur ou la Croix Rouge. Comme il était ces dernières années « le plus ancien dans le grade », comme on dit, il avait l’avantage de connaître tout le monde. Il était très respecté.

Un respect acquis aussi après avoir mené des batailles comme celle livrée auprès de l’Union européenne que nous ouvrons avec nos députés pour récupérer les surproductions des coopératives agricoles afin de les distribuer aux plus démunis. Julien s’engouffre dans la brèche et en 1984, le secours populaire obtient, avec Coluche, la mise à disposition des surplus congelés dans des silos. Un mouvement très important est lancé puisque dans la foulée, est créé le Programme européen d’aide aux plus démunis. Ce même programme dont le maintien vient de faire l’objet d’une bataille cruciale au parlement européen, à laquelle Julien et le Secours populaire français ont pris toute leur part, aux côtés des députés européens, Patrick Le Hyaric en tête.

Julien, toujours fidèle à ses engagements de jeunesse, était un ardent défenseur de son journal, l’Humanité, que son père vendait déjà, et il ne ratait jamais une Fête de l’Humanité. Pas seulement au nom des nombreux partenariats initiés avec le journal. Mais tout simplement parce que c’était l’occasion pour lui de multiplier des échanges francs et directs sur l’actualité.

Dans ces moments-là, Julien faisait rouler toute sa gouaille de titi parisien, l’oeil malicieux et la générosité en bandoulière. Lui qui était immergé dans plusieurs univers, côtoyant avec autant d’aisance les artistes que les ministres, ne faisait pas de différence parmi ses interlocuteurs. 

A tous, il lançait invariablement son fameux « salut mon pote », la main sur l’épaule. Ce salut, nous te l’adressons aujourd’hui avec respect et fraternité.

A ses enfants  Jean Claude, Josette, Françoise, Denise, à ses petits-enfants, j’adresse mes condoléances les plus sincères.