Hommage aux mineurs du Nord Pas-de-Calais

Suivez toute l’actualité de Fabien Roussel en vous inscrivant à la newsletter

 

 

Dans l’histoire de notre pays, les mineurs se sont toujours placés du bon côté, celui de la fidélité à nos valeurs républicaines. Ceux de 1948 sont les mêmes que ceux qui ont ardemment défendu leur pays pendant la Seconde Guerre mondiale.

Au printemps 1941, les mineurs du Nord-Pas-de-Calais se sont dressés, par une grève massive, face à l’occupant. C’est un acte de résistance fondateur. Les mineurs protestent non seulement contre leurs conditions de travail dégradées (misère, disette, froid…) mais ils sont aussi écoeurés par la politique de collaboration menée par les Compagnies.

Dès septembre 1940, les premiers débrayages ont lieu. En janvier 1941, une nouvelle grève éclate : les mineurs refusent l’allongement d’une demi-heure de la journée de travail, sans augmentation de salaire.

Le mouvement s’étend. Faucilles et marteaux voisinent sur les murs avec des croix de Lorraine. Le 27 mai 1941, 100 000 mineurs, sur les 143 000 recensés dans le Nord-Pas-de-Calais arrêtent le travail ! C’est la plus importante grève dans l’Europe occupée.  Elle va durer quinze jours.

L’armée allemande mène alors une répression terrible. La Felgendarmerie utilise des listes de « rouges » remises par les commissariats et les Compagnies des mines. Plusieurs centaines de mineurs sont arrêtés. Certains seront déportés au sinistre camp de concentration de Sachsenhausen, le camp « modèle » des nazis. 136 mineurs n’en reviendront pas.

Pour calmer les esprits, les autorités d’occupation décidèrent une légère augmentation des salaires, des rations de viande et des quantités de savon, sans oublier des vêtements de travail. Autant dire des miettes.

Mais l’essentiel est ailleurs. Cette grève exemplaire témoigne de la capacité de la classe ouvrière et du peuple à refuser la violence de l’exploitation, la soumission et l’injustice.

Elle signe l’engagement de nombreux mineurs dans la Résistance. C’est ainsi qu’ici, des hommes comme Eusebio FERRARI, issu de la fosse Agache, fait le choix de la clandestinité, prend les armes et finira assassiné à quelques kilomètres d’ici, le 22 février 1942 à l’âge de 22 ans. OU encore d’Emilienne MOPTY, femme de mineur et mère de 3 enfants, militante communiste qui prend la tête des manifestations pendant la grève de 41. Elle organise par la suite des barrages routiers, des transports d’explosifs. Et c’est en voulant attaquer un peloton d’exécution à la citadelle d’Arras en février 42 qu’elle est arrêtée puis torturée. Elle sera décapitée par les soldats allemands le 18 janvier 1943 à 19h30.

Au lendemain de la guerre, les mineurs sont salués pour le rôle déterminants qu’ils ont joué dans la Résistance et dans la libération du pays. C’est pourquoi les Houillères sont nationalisée. Le satut du mineur est décrété.

Le 28 aout 1944, Henri MARTEL, député du Douaisis, lance un appel depuis Londres : « Dans les bassins libérés, les mineurs furent au premier rang dans les combats victorieux. Ils surent garder, les armes à la main, les mines et les installations de surface contre la volonté dévastatrice de l’ennemi. Aujourd’hui la joie au cœur, ils sont redescendu à la mine. Ils redoublent d’ardeur à l’ouvrage, afin d’intensifier la production de guerre et hâter la libération de leurs frères encoure sous la botte hitlérienne. Comme toujours, les mineurs ont répondu présent lorsque le pays a fait appel à eux. Depuis la fin de la guerre, les mineurs ont un rôle crucial dans l’effort de reconstruction. 80% de l’énergie vient du charbon. C’est le « pain de l’industrie ».

Monument dédié aux Gens de la Mine dit « Stèle du Mineur ». Raismes Sabatier

Alors, fiers d’être ainsi placés en première ligne dans l’effort de reconstruction nationale, les gueules noires multiplient les cadences, ne comptent pas les heures, pour remporter « la bataille du charbon ».

En contrepartie de cet effort, mais aussi en reconnaissance de leur rôle dans la Résistance, ils ont obtenu un statut, le 14 février 1946, avec un salaire garanti, un logement gratuit, du chauffage, l’accès aux soins, à l’école, à la formation… Autant de droits chèrement acquis et amplement mérités… Mais que le ministre de l’Intérieur de l’époque, Robert LACOSTE entreprend pourtant de remettre en cause en 1948.

La réaction est immédiate. La première grève éclate le 4 octobre, approuvée par 90 % des votants lors d’un référendum de la CGT. Près de 300 000 mineurs arrêtent le travail. Un mouvement qui touche toute la France et va donner lieu à une terrible répression. Le pouvoir réquisitionne 80 000 militaires et CRS et les poste à quelques kilomètres des bassins miniers.

Le bilan sera sanglant : 56 jours de grève, six mineurs tués et des milliers d’autres arrêtés. Au final, 1 342 seront condamnés à de la prison ferme pour « entrave à la liberté du travail », dont 700 dans le Nord-Pas-de-Calais.

Plus de 3 000 seront également licenciés, dont 117 délégués CGT. Pour eux, tout s’écroule. Ils auront deux jours pour déguerpir des Houillères, perdant salaire, logement avec chauffage ou encore le bénéfice du médecin gratuit. Consigne est donnée aux autres mineurs de ne pas loger les bannis. Pression est faite, également, sur les entreprises alentours de ne pas les embaucher.

Sans boulot ni espoir, certains se réfugient dans leur famille. D’autres, marqués au fer rouge, vivent dans des abris de fortune et doivent quitter la région. Les héros de la guerre, au corps sacrifié à la silicose, se retrouvent ennemis de la patrie !

Parmi eux, des résistants, des communistes, des FFI, des anciens déportés, des ex-militaires décorés qui seront dégradés.

Ils perdent le statut du mineur pour eux et leur famille. Ils perdent tout. Ils perdent leur honneur. Ils perdent leur dignité.

Depuis les décennies ont passé, dans la douleur, l’amertume et pour certains, la honte. Souvent, les victimes de cette injustice ont tu leur histoire jusqu’à leurs propres enfants. Ils ont assisté, écœurés, à la réhabilitation des généraux putschistes de l’OAS. Mais pour eux, rien.

Finalement, une loi d’amnistie est votée en 1981, mais sans ouvrir droit à une reconnaissance de leur préjudice et à une reconstitution de leur carrière volée.

En 1998, la Fédération des mineurs CGT a rouvert le dossier et entamé une longue joute judiciaire. En janvier 2011, devant la cour d’appel de Versailles, dix-sept mineurs obtiennent une indemnité de 30 000 euros pour « licenciement abusif illégal, discriminatoire et violent ». Mais la décision sera contestée devant la Cour de cassation par les Charbonnages de France, qui décidément ne seront jamais du bon côté.

L’espoir renaît en 2014 quand Christiane TAUBIRA, ministre de la Justice, reconnaît enfin la responsabilité de l’État dans cette affaire et « le caractère discriminatoire et abusif des préjudices subis pour faits de grève ». Il était temps !

En 2015, un amendement à la loi de finance est voté, ouvrant droit à une allocation de 30 000 euros pour chacun des mineurs licenciés ou ses ayants droit, plus 5 000 euros versés aux enfants et l’inscription des grèves de 1948 dans les livres scolaires. Un premier geste important certes, mais loin d’être suffisant.

Pour Norbert GILMEZ, grande figure de notre région dans ce combat, lui-même gréviste en 1948, on est bien loin du compte. « Pour moi, dit-il, ces 30 000 euros ne représentent que 5 % de ce que j’ai évalué. Certains ont subi des préjudices jusqu’à 300 000 euros… »

Depuis le vote de l’amendement en 2015, d’autres dossiers de mineurs se sont ajoutés à la trentaine initiale. Près de 300 sont toujours en attente.

C’est aujourd’hui le combat que nous menons, à l’Assemblée nationale et au Sénat pour la réhabilitation totale des mineurs grévistes de 48 et la reconnaissance de leurs droits perdus.

Cet hommage devant la stèle des mineurs doit rappeler l’engagement fort de cette corporation, de ces hommes, de ces femmes, unis dans la mines, unis dans la dureté du travail, unis pour défendre la France, dans la Résistance comme après pour la reconstruire.

C’est la raison pour laquelle nous nous battrons toujours pour qu’ils soient respectés, défendus et mis en exemple. C’est la raison pour laquelle je me suis tant battu pour la rénovation des logements mineurs et le combat continue. Et c’est pour cela que je vous propose de renouveler cet hommage tous les ans, en hommage aux mineurs de France.