Motion de rejet à la privatisation de la SNCF

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Le groupe des députés communistes a déposé une motion de rejet du texte issu de la Commission mixte paritaire, fruit d’un compromis entre la droite et la droite, majoritaire à l’Assemblée et au Sénat, car il porte en lui un risque important, mortifère, pour un service public de transport que vous avez bien affaibli ces dernières années.

Depuis qu’un vent libéral souffle fort en Europe et dans notre pays, tout a été fait ces dernières années pour abimer la SNCF et susciter la colère des voyageurs : retards à répétition, suppressions de trains, fermetures de lignes, de gares, de guichets, c’est le lot quotidien de ceux qui prennent le train, des étudiants, des salariés.
Et pas besoin de donner des coups de menton avec le bac qui arrive en accusant les cheminots gréviste de prendre en otage les lycéens : Car il n’y pas besoin d’une grève pour qu’il y ait des trains annulés ou des retards ou encore une panne d’électricité comme aujourd’hui à la Gare Saint-Lazare !

Alors qu’allez-vous dire aujourd’hui ? Que c’est la faute des syndicats, du service public ?

Non, c’est la faute à votre gestion libérale de la SNCF, à laquelle vous avez participé Mme BORNE en tant que directrice de la stratégie.

La gestion de la SNCF, depuis des années, relève plus d’un management inspiré de recettes privées que de la poursuite de l’intérêt général. Avec Guillaume PEPY à la barre, la direction de la SNCF a préféré externaliser à outrance ou investir dans l’acquisition de filiales de toute nature au détriment du rail et du territoire national.
La SNCF est ainsi passé de 100 filiales à 1000 filiales en quelques années ! Et parmi elles, OUIBUS, une filiale CAR, le comble pour une compagnie de chemin de fer !

On marche sur la tête ! Avec Guillaume PEPY, vous avez fait exploser la SNCF, c’est le PEPY boom !

Vous avez beau jeu aujourd’hui d’expliquer que cette réforme est indispensable. Mais vous l’imposez à une profession toute entière alors que celle-ci, dans sa très grande majorité, la rejette. 96% des cheminots ont voté contre. 75% d’entre eux ont pris part, de près ou de loin, à la grève. Vous imposez aux Français la privatisation du rail au lieu de la préservation du rail.

Quel mépris de se croire si forts au point d’imposer, avec une telle violence, une réforme qui va bouleverser le transport ferroviaire en France.

Entendez la colère des usagers, des élus locaux et celle des cheminots qui vous demandent d’investir dans un vrai service public du rail, avec des trains qui arrivent à l’heure, sécurisés, moins chers et avec des trains qui circulent sur tout le territoire, y compris là ou ce n’est pas rentable.
Oui, il faut donc revoir complètement la copie.
Vous répétez partout que des avancées devraient nous conduire à accepter votre réforme. Mais dans ce texte qui revient du Sénat, il n’y a rien de changé de fondamental par rapport à votre projet initial !
On y retrouve toujours le changement de statut pour l’entreprise, qui passe d’un EPIC à une société anonyme et vous ouvrez à la concurrence, au privé, l’utilisation des voies et l’exploitation des lignes.
Vous prétendez nous rassurer en martelant que les actions de l’Etat seront incessibles ! La belle affaire !
Les actions de GDF elles aussi sont restées incessibles. On connaît le résultat ! L’histoire de cette belle entreprise est parfaitement symbolique de votre politique : on donne des garanties de papier avant et on les balaie ensuite au gré du vent capitaliste.

GDF était une entreprise publique, sous statut d’EPIC, avec des prix garantis par l’Etat. En 2004, l’Union européenne, au nom de la libéralisation du marché, impose l’ouverture à la concurrence, comme pour la SNCF : l’EPIC GDF se transforme en SA, avec 100% d’actions de l’État, incessibles comme il se doit ! Mais les promesses n’engagent que ceux qui les croient, n’est-ce pas ?

Que se passe-t-il alors ? Quatre ans plus tard, le groupe SUEZ entre dans le capital et grignote des parts d’année en année. A ce jour l’Etat n’a toujours pas vendu ses actions mais il n’en détient plus que 24% d’un groupe qui devait rester 100% public. Résultat ? 1,7 milliards d’euros de bénéfices versés aux actionnaires et des tarifs du gaz qui ont augmenté de 80% depuis 2005 !
Et Engie vient même d’annoncer qu’ils augmenteront encore de 6,5% au 1er juillet prochain ! Ça doit être ça les bienfaits de l’économie libérée !

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les cheminots, comme de nombreux élus présents ici dans cette assemblée, plutôt à gauche, redoutent, avec cette privatisation, une dégradation du service pour les usagers avec une hausse des tarifs, des temps de trajet plus longs, des lignes du quotidien menacées et un service totalement déshumanisé.

Transformer un EPIC en SA, c’est la porte ouverte à l’entrée au capital d’entreprises privées qui n’auront qu’un seul but : créer de la valeur et distribuer des dividendes. Et il n’y aura rien de surprenant à cela, c’est dans leur ADN.
Mais où est l’intérêt des Français ? Nous demandons le rejet de cette loi car nous ne voulons pas que la SNCF perde le statut d’EPIC, le seul qui garantisse un service public et le ré-investissement des bénéfices dans l’entreprise. 1,3 milliards d’euros de bénéfice en 2017. Une fois privatisée, les bénéfices seront versés aux actionnaires, comme c’est le cas pour les EDF, GDF ou encore demain avec la Française des Jeux ou Aéroport de Paris.

Nous demandons le rejet de cette réforme car elle est envisagée alors qu’il n’y a eu aucune étude d’impact comme il est normalement d’usage quand les parlementaires sont appelés à étudier une loi ! Vous n’avez pas voulu étudier le résultat des privatisations dans d’autres pays étrangers, notamment en Europe
Vous citez souvent l’Allemagne en modèle. Mais depuis que le réseau ferré Allemand a été privatisé, il est passé de 44 000 km de rail à 33 000 ! 20% en moins !
En Angleterre, ils reviennent dessus. Et pour cause, depuis la privatisation, le prix du billet a grimpé de 30% en moyenne, tandis que la qualité du service chutait dramatiquement.
En Suède, la population demande majoritairement le retour sous statut public, en raison de la hausse des tarifs et de la multiplication des dysfonctionnements.

Alors pouvez-vous vraiment nous affirmer, les yeux dans les yeux, que la privatisation de la SNCF ne va pas faire augmenter encore plus le prix des billets, ne va pas accélérer les fermetures des lignes ou des gares au lieu d’y mettre un terme ? Pouvez-vous garantir que les 9000 km de lignes du quotidien seront maintenus, sans en faire supporter le coût aux régions ?

Sur ce sujet, de nombreux députés vous ont interpellé sur des projets de fermeture de dizaines de lignes du quotidien, remplacées demain par des cars. Et à chaque fois, vous nous renvoyez vers nos régions. Mais où les régions vont-elles aller chercher les sous si, en plus, vous leur réduisez leur budget avec la baisse des dotations de 13 Mds d’euros d’ici 2022 ?
Parmi ces fameuses avancées, il y aurait, selon vous, la reprise de la dette de la SNCF.
Ah bon ? Mais où est-ce écrit ? A quelle ligne ? Dans quel article ? Il n’y a pas un mot dans le texte qui revient du Sénat. Il n’y a rien de neuf sur ce sujet par rapport au texte discuté en première lecture à l’Assemblée.
Il faut mettre noir sur blanc les engagements de l’État. Quelle part de la dette l’État va-t-il prendre en charge ? Celle dont les intérêts sont élevés ou bien celle dont les intérêts sont négatifs et rapportent de l’argent ?

L’autre avancée que vous brandissez en étendard, c’est la garantie pour le statut des cheminots, …de disparaitre d’ici trois ans ! C’est tout !

Votre projet de société, c’est celui d’un monde où tout est « marchandise », c’est la toute-puissance de la loi de l’offre et de la demande, c’est l’acceptation d’une société à deux vitesses, l’une pour les riches et une pour les pauvres.
Avec votre réforme, il y aura demain, pour le même trajet, des TGV luxueux plus chers, pour les riches, et des trains low cost pour les autres, un peu comme dans l’aérien, avec Air France et Ryan Air. Et puis il y aura, pour les plus pauvres, pour les étudiants, pour les retraités, comme on le voit déjà, la multiplication des cars, avec des voyages interminables, souvent de nuit, dans des conditions de confort précaires. Bonjour le progrès !

C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pour le fret: depuis sa privatisation, le fret a chuté, les camions se sont multipliés. Quel est le bénéfice pour la France, pour le climat et pour lutter contre la pollution ? Nul. Mais des entreprises privées se sont arrachées les lignes fret rentables, les autres ont fermé et la SNCF a investi dans des camions pour concurrencer ses propres trains. Le monde à l’envers.

Pourtant la SNCF est une belle et grande entreprise. Et le train, le meilleur outil à développer pour lutter contre la pollution. Quelle est la logique de tenir de grands discours sur la préservation de l’environnement, de proclamer « Make our planet great again » et de jeter sur les routes des milliers de poids lourds et de cars parce qu’on laisse fermer des lignes ?

Madame la ministre

Vous montez les salariés, les usagers du train contre les cheminots, vous faites tout pour les diviser. Ils souffrent pourtant tous de votre intransigeance, de votre refus du dialogue. Dialogue social : il suffit juste de voir l’attitude du gouvernement concernant le personnel de l’hôpital du ROUVRAY: il a fallu 18 jours de grèves de la faim pour que vous leur accordiez les 30 postes dont ils ont besoin pour bien soigner les malades ! Cela illustre bien la capacité d’écoute et de dialogue de ce gouvernement, de cette majorité.

C’est vous qui semez le désordre en imposant des réformes à des salariés qui n’en veulent pas, comme le gouvernement impose des sacrifices aux retraités, aux monde hospitalier, aux agents de la fonction publique ou encore à la justice. Où est le dialogue, où est la concertation ?

Les usagers n’en peuvent plus. Les cheminots non plus. 30 jours de grève ce mercredi 13 juin pour défendre un service public auquel nous sommes attachés plus que tout. 30 jours de galères pour les gens qui prennent le train pour aller travailler.

C’est vous qui portez cette responsabilité.

Les cheminots, eux, en souffrent aussi beaucoup. Mais ce sont des passionnés de l’intérêt général, des amoureux du bien commun. Ils ont toujours répondu présents dans les moments les plus durs qu’a connu notre pays, comme pendant la Résistance car ils ont toujours défendu une certaine idée de la France,
une France libre et souveraine, que rien n’y personne ne pouvait envahir ou enchainer.
Et vous voulez ouvrir le capital de cette entreprise et le livrer pieds et mains liés aux appétits des marchés financiers.
Votre projet, permettez-moi de vous le dire, c’est un grand retour en arrière. En 1938, la France nationalisait le rail et rachetait des compagnies privées du rail, détenue par quelques familles puissantes, dont la famille Rothschild, pour créer la SNCF, une entreprise publique au service de la Nation et des français.
80 ans plus tard, vous voulez revenir en arrière et revendre notre belle entreprise publique à la découpe, à des grandes familles, à des actionnaires puissants dont le seul objectif n’est pas l’intérêt général mais l’intérêt particulier, celui de leur porte-monnaie.
A coup sûr, la famille Rothschild va prendre sa revanche, et c’est la revanche des 200 familles contre celles du front populaire de 36.

La France mérite bien mieux que cela, bien plus que de se vendre aux marchés financiers et d’être sous la coupe des milieux d’affaires. Elle mériterait surtout de résister au poids de la finance dans notre économie imposée par cette Europe libérale et le dogme de la concurrence libre et non faussée qui détruit tout sur son passage.

Pour construire une grande entreprise publique du transport des voyageurs et des marchandises, au service de la Nation, des Français, de la lutte contre la pollution et pour relever le défi climatique, nous vous demandons, solennellement de revenir sur votre projet et d’ouvrir enfin les voies du dialogue et de l’apaisement.

Derrière la nécessité de construire une grande entreprise publique du rail, il y a un vrai projet de société à bâtir, un nouveau modèle social économique et écologique à inventer qui met l’être humain au cœur de tous ses choix, et qui saura prendre soin de la planète et de nos ressources naturelles. Cet espoir nous continuerons de de le faire vivre.