M. Fabien Roussel attire l’attention de Mme la secrétaire d’État, auprès de la ministre des armées, sur la situation critique des conjoints survivants des très grands invalides de guerre. Leur pension de base forfaitaire fixée à 500 points d’indice n’a en effet pas évolué depuis 1928 : le montant mensuel correspondant atteint à peine 600 euros, soit un montant très en-dessous du seuil de pauvreté. Si le droit à réparation des grands invalides de guerre a évolué au fil du temps pour prendre en compte les complications médicales, il n’en a pas été de même pour le droit à réparation de leur conjoint survivant, dont la situation s’est beaucoup dégradée. Alors qu’elles ont assuré durant plusieurs années le maintien à domicile de leur époux(se) blessé(e) de guerre, épargnant des dépenses hospitalières importantes à la collectivité, force est de constater que le niveau de leur pension n’est pas à la hauteur de leur dévouement. Quelques mesures ont bien été mises en place, mais sans résultats probants. C’est ainsi que dans le cadre de la loi de finances pour 2015, la majoration de pension prévue par l’article L. 52-2 du code des pensions militaires d’invalidité, dont bénéficiaient les 900 veuves qui avaient prodigué leurs soins pendant plus de dix ans, a été revalorisée de 50 points en 2015, puis de 50 points supplémentaires en 2016. Soucieux d’élargir ce droit à d’autres veuves, le gouvernement, par l’article 131 de la loi de finances pour 2016, a abaissé la condition de durée de soins à 5 ans, évaluant à 1 400 le nombre de veuves concernées. Or au 31 décembre 2017, seulement 17 personnes ont bénéficié de ce droit nouveau, selon les chiffres du service des retraites de l’État. Ces mesures, qui ne portaient pas sur la pension de base restée à 500 points d’indice, n’ont donc concerné qu’un nombre très restreint de veuves, laissant la plus grande partie d’entre elles dans la précarité. Pourtant des crédits importants pour financer cette mesure ont été inscrits dans les lois de finances : 1,9 million d’euros pour 2016 ; 3,8 millions d’euros pour 2017 et 3,4 millions d’euros pour 2018 ; 3 millions d’euros pour 2019 et des montants équivalents pour les années suivantes. Or à ce jour, à peine 50 000 euros ont été consommés. Autrement dit, les crédits destinés aux veuves ne sont pas arrivés jusqu’à elles en raison du caractère restrictif des conditions imposées, notamment le critère de durée des soins. Le contrôleur général des armées, saisi en 2014, avait lui-même recommandé d’augmenter la pension de base des veuves des plus grands invalides de guerre (ceux dont l’indice de pension était supérieur à 2 000 points à la date du décès) : il avait évalué à 3 500 le nombre de veuves potentiellement concernées, sur la base des statistiques de décembre 2013. Compte tenu de l’accélération des décès liée à la moyenne d’âge très élevée (86 ans), cet effectif actualisé n’atteint pas aujourd’hui les 2 000 personnes. Dès lors, et afin que les crédits votés dans la loi de finances pour 2016 bénéficient bien aux veuves des GIG repérées par le contrôle général des armées, il lui demande d’inscrire dans la loi de finances rectificative de 2018 un dispositif de revalorisation des pensions de base pour permettre à ces veuves déjà très âgées de vivre dans des conditions décentes.

Réponse de la Secrétaire d’Etat auprès de la Ministre des armées

La pension militaire d’invalidité représente la réparation d’un dommage physique personnel résultant d’un fait de service ou d’un fait de guerre. La pension servie aux conjoints survivants au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) ne relève pas de la même logique. En effet, elle ne peut pas être considérée comme la continuité du versement de la pension d’invalidité de l’ouvrant droit, ou même d’une fraction de celle-ci. Elle constitue en réalité la réparation forfaitaire du préjudice économique subi du fait du décès du conjoint militaire. Dans ce contexte, les conjoints survivants des grands invalides de guerre, pensionnés à 85 % au moins, bénéficient d’une pension au « taux normal », qui correspond à 500 points de pension militaire d’invalidité pour un conjoint survivant de soldat, l’indice étant déterminé en fonction du grade du militaire. A cet indice minimal de 500 s’ajoute une majoration forfaitaire de 15 points pour toutes les pensions de conjoints survivants, en application des articles L. 141-22 et D. 141-9 du CPMIVG. Il convient d’observer que les pensions des conjoints survivants augmentent régulièrement sous l’effet de la revalorisation du point de pension militaire d’invalidité. Ainsi, le montant annuel minimal de la pension au « taux normal » s’élève actuellement à 7 416 euros depuis le 1er janvier 2017, compte tenu de la valeur du point fixée à 14,40 euros à cette date. En outre,  des majorations ou des suppléments de pension peuvent être accordés à ces ayants cause. Ainsi, l’article L. 141-21 du CPMIVG a institué une majoration à destination des conjoints survivants d’invalides titulaires d’une pension concédée au titre de ce code, dont l’indice était égal ou supérieur à 10 000 points. Cet indice, qui s’élevait à l’origine à 12 000 points, a été abaissé à 10 000 points en application de l’article 110 de la loi de finances pour 2014. Le montant de la majoration est fixé à 360 points par l’article D. 141-8 du CPMIVG. De plus, depuis le 1er juillet 2016, les conjoints survivants de grands invalides bénéficient, comme le souligne l’honorable parlementaire, d’un élargissement du dispositif défini aux articles L. 141-20 et D. 141-7 du CPMIVG majorant la pension d’un conjoint survivant qui s’est occupé de son conjoint invalide. Cette majoration est versée pour compenser la perte de revenu du conjoint survivant qui, en raison des soins prodigués à son conjoint avant son décès, a abandonné son activité professionnelle. L’effet de seuil préexistant dans le cadre de cette majoration a été lissé en appliquant progressivement cet avantage dès 5 années révolues de soins et de mariage ou de PACS au lieu de 10 auparavant. Depuis le 1er janvier 2016, l’article 85 de la loi de finances initiale pour 2015, qui prévoit une seconde revalorisation de 50 points de la majoration précitée, est applicable. Cette prestation avait fait l’objet d’une première revalorisation de 50 points au 1er janvier 2015, date à laquelle la condition de durée de mariage et de soins a été ramenée de 15 ans à 10 ans. Il est par ailleurs rappelé que d’autres mesures ont été récemment adoptées au profit de certaines catégories de conjoints survivants de militaires pensionnés. Ainsi, la loi de finances pour 2017 a instauré un supplément de pension pour les conjoints ou partenaires survivants de militaires, âgés de moins de 40 ans et ayant au moins un enfant à charge. Ce supplément porte la pension à un montant correspondant à celui de la pension au « taux normal » attribuée au conjoint survivant du soldat. Cette mesure vise à soutenir les conjoints survivants les plus jeunes, mariés ou pacsés à un militaire de la quatrième génération du feu et qui doivent faire face à la disparition du conjoint en raison de son sacrifice pour la France, tout en continuant à élever leurs enfants. En complément de ces dispositions, l’article 125 de la loi de finances pour 2018 a introduit une mesure d’équité consistant à aligner le mode de calcul des pensions militaires d’invalidité servies aux ayants cause des militaires rayés des contrôles avant le 3 août 1962 sur le régime plus favorable en vigueur depuis cette date. 6 M€ ont été consacrés à cette mesure nouvelle, qui bénéficie très directement aux veuves et conjoints survivants d’anciens combattants titulaires d’une pension militaire d’invalidité ainsi qu’aux anciens combattants eux-mêmes. Lors des échanges conduits par la secrétaire d’État avec les associations d’anciens combattants au premier semestre 2018, la situation des conjoints survivants de grands invalides de guerre a été abordée en profondeur, eu égard aux sacrifices personnels et matériels consentis par ces personnes dévouées. Si les dispositifs les intéressant ne devraient pas évoluer dans l’immédiat, il est souligné que les conjoints survivants de militaires et de grands invalides, fragiles, isolés ou en situation de précarité, peuvent solliciter l’aide sociale et l’accompagnement de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, dont la refonte de la politique sociale, associée à un effort financier renouvelé, vise à améliorer la situation de ses ressortissants les plus démunis.